Il y a quelque temps, Mike Davis, universitaire américain, avait sorti un très bon bouquin sur Los Angeles, intitulé
City of Quartz. Passant en revue l'histoire de la ville, les processus de ségrégation spatiale à l'oeuvre et l'influence des lobbys militaro-religieux sur le développement de la ville. Bref un très bon bouquin, accessible et à mille lieux du langage universitaire tel qu'on peut l'imaginer. Et bien Mike Davis remet le couvert, avec la parution chez Allia de "
Au-delà de Blade Runner, Los Angeles et l'imagination du désastre". Il s'agit de la traduction d'un chapitre d'un livre dudit Davis, intitulé
Ecology of Fear. Ce court ouvrage revient sur les processus de déliquescence du tissu urbain propres à Los Angeles et aux grandes villes américaines. Relégation toujours plus lointaine de banlieues qui viennent asphyxier le cercle précédent de banlieues, centres villes laissés à l'abandon, faillite des infrastructures publiques, désindustrialisation...Et un focus particulier sur l'influence du LAPD sur l'évolution du tissu commercial en ville, la stigmatisation des commerces dits à risques. Ce qui fait une transition toute trouvée avec le
blog du LAPD, mis en ligne récemment et qui donne une image pas très rassurante de la puissance de la police de LA. Toujours au chapitre des lectures, j'ai attaqué le bouquin de Pascal Dibie, ethnologue, qui revient avec "
Le village métamorphosé. Révolution dans la France profonde" sur l'évolution du petit village de Chichery, en Bourgogne, et dont il est originaire. La 4eme de couv commence par ceci:"
Nous sommes montés dans le train à grande vitesse de la modernité sans trop nous en apercevoir et, lorsque nous regardons par la fenêtre, le paysage défile si vite que nous n'arrivons plus ni à le lire ni à le retenir. J'ai l'impression que nous sommes devenus des spécialistes de l'oubli". Le livre est donc une inivtation à la dé-redécouverte des évolutions de notre société, vue par le prisme des petites choses, qui sous leur apparente insignifiance, sont de grands signifiants. Dibie nous livre aussi en une vingtaine de pages (p.50-66), intitulée La jeunesse protocolaire, une analyse assez magistrale de la jeunesse d'aujourd'hui, de son rapport au corps, à la technologie et à la maîtrise de ses protocoles, de sa difficulté à exister à travers l'apparence dans une société qui a abolit artificiellement tous les rites de passages à l'âge adulte. Petit passage: "
Ils jouent, nous disent-ils, en fait ils résistent[...]Pour se sentir plus vivants dans un monde qui s'infantilise en même temps que, sans s'en apercevoir, il les nie de plus en plus, ils attaquent leur corps à défaut de changer le monde, sûrs de provoquer et de ressentir dans ces inscriptions concrètes un peu de vie et d'inquiéter le miroir social où ils ne se reconnaissent plus depuis longtemps." Encore un très bon ouvrage, dans la collection Terre Humaine. Allez une petite pub!