Résumons. Depuis quelques mois, et au nom du grand principe de réduction du déficit de la sécurité sociale, le gouvernement encourage les citoyens à se soigner, dans certains cas, par eux-mêmes.
Ainsi, quelques 200 médicaments seront bientôt accessibles en vente libre dans les pharmacies. Et qui dit vente libre dit concurrence et qui dit concurrence dit intérêt du consommateur.
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l'un des fondements du système libéral.
Ainsi Roselyne Bachelot explique que cette initiative s’inscrit dans « une démarche de concurrence dont on sait qu'elle fait baisser les prix".
Le président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens applaudi des deux mains : « C'est une excellente nouvelle pour le patient, qui devient plus participatif au choix de son traitement, plus responsabilisé ».
Le Leem, qui regroupe les entreprises du médicament, est lui aussi
ravi.
Bref, circulez, y’a rien à voir.
La nouvelle logique serait donc la suivante : problème bénin, plus besoin de consulter un médecin, allez directement en pharmacie, et débrouillez vous face à l’ensemble de l’offre au sein de laquelle vous n’aurez plus qu’à choisir le moins coûteux, pour réduire le déficit de la sécu. Elle est pas belle la vie !
Alors du coup, forcément, on se renseigne…
En France, l’info médicale est diffusée de façon quasi exclusive auprès des médecins par ce qu’on appelle des visiteurs médicaux – en termes concrets des commerciaux chargés de vanter les qualités des médicaments fabriqués par les labos pharmaceutiques pour qui ils travaillent. Bref de l’info neutre, garantie sans intox…
Et cela marche, enfin tout dépend pour qui. L’Inspection Générale des Affaires Sociales (Igas) – qui n’est pas à priori un repère de rigolos – a ainsi remis en août 2007 au ministre de la santé un
rapport qui rappelle avec force la mainmise de l’industrie pharmaceutique sur la formation des médecins et l’information du grand public.
Un rapport suffisamment instructif pour qu’il ne soit pas publié…et qui démontre à quel point l’information médicale d’un médecin lambda est prise en charge par l’industrie pharmaceutique.
L’UFC-Que choisir a également fait paraître le 15 janvier dernier une
étude qui estime qu’entre 2002 et 2006, « des centaines de millions d’euros auraient pu être économisés, à qualité de soins égale, si l’information apportée aux médecins avait été meilleure »…
Alors on se dit, si déjà les médecins ont du mal à faire le tri entre réelle information médicale et publireportage, comment vont s’en sortir les simples consommateurs pour faire le tri face à la diversité de l’offre médicale en libre accès.
C'est une autre
étude, publiée dans une revue médicale indépendante américaine, le Plos, qui nous amène des éléments de réponse.
Ce sont les entreprises du médicament qui vont expliquer aux consommateurs quels sont les
bons médicaments à prendre.
Comment ? En faisant de la publicité pardi ! Attention, il ne s’agit pas dire qu’il ne faut pas communiquer sur les bienfaits de ses produits, dans un secteur ultra-concurrentiel. Il s’agit juste de savoir dans quelles proportions.
Car aujourd’hui, il semble, au vu des résultats de l’étude publiée par le
Plos, que les proportions sont quelque peu disproportionnées: « it appears that pharmaceutical companies spend almost twice as much on promotion as they do on R&D. These numbers clearly show how promotion predominates over R&D in the pharmaceutical industry, contrary to the industry's claim”.
Autrement dit, en 2004, les labos américains ont dépensé en marketing la somme de 57 milliards de dollars en marketing contre 30 milliards en R&D…
Il serait donc intéressant de disposer de chiffres antérieurs pour pouvoir estimer l'évolution de ce ratio entre investissements R&D et investissements marketing.
Le marketing serait-il devenu le remède à une panne d’innovation médicale ?
Et bien voilà, c'était un peu le deuxième coup de gueule de la semaine avant quelques jours de vacances qui me tiendront éloigné de ce blog.