Cristaline vs Badoit
La collision de deux campagnes publicitaires offre d'intéressants enseignements sur les stratégies de marques.
D'un côté, une campagne d'affichage lancée depuis une dizaine jours par la marque Cristaline, et dont l'effet peut se résumer par le positionnement officiel de l'agence Business à l'origine de la campagne : "nos slogans cognent, nos campagnes frappent. Forcément, les voisins se plaignent du bruit"...
Cristaline, leader sur le marché très concurrentiel des eaux plates en bouteilles avec près de 20% de pdm en 2005 et le prix le plus bas du marché, s'attaque frontalement à l'eau du robinet à travers trois affiches dont les textes sont: " Ceux qui prétendent que l'eau du robinet a toujours bon goût ne doivent pas en boire souvent"; "L'eau du robinet contient du plomb, des nitrates et des pesticides"; "Je ne bois pas l'eau que j'utilise [visuel de chiottes] Je choisis Cristaline".
Le premier slogan est fallacieux: personne ne prétend que l'eau du robinet a toujours bon goût. Le deuxième slogan n'est pas inexact, mais la France étant juste le troisième consommateur mondial de pesticides, c'est le contraire qui serait étonnant (ne parlons pas des fruits et légumes). Quant au troisième, il est abject quand on connait les problèmes d'accès à l'eau potable dans le monde.
Bref, une campagne qui a réussi à fâcher les voisins: le SEDIF, Eau de Paris, Agir pour l'environnement, le CNIID, le RAP...
Pour sa défense, Castel Neptune, la société qui commercialise Cristaline (qui rappelons-le est composée de 20 sources différentes/voir la page 8 de l'intéressant rapport de l'Académie de Médecine sur le sujet...) réplique que sa campagne est une réponse à une campagne menée par le SEDIF il y a quelques mois et qui vantait les vertus écologiques et économiques de l'eau du robinet.
Qu'en retenir ? La stratégie de Cristaline ne tient pas la route pour plusieurs raisons: un, personne n'achète Cristaline pour la qualité de sa source ou l'image de la marque, mais parce que c'est l'eau plate embouteillée la moins chère du marché. Deux, en suscitant l'indignation des mouvements écologistes, cette campagne ne fortifie pas l'image de marque de Cristaline. Trois, en ne s'attaquant pas frontalement aux autres acteurs du marché de l'eau embouteillée, Cristaline admet implicitement ne pouvoir lutter contre l'image des marques concurrentes...
Deuxième campagne récente, et qui va à l'encontre de l'exemple précédent: Badoit et sa campagne autour de "l'eaunologie".
L'objectif de la campagne est de renforcer l'image du leader des eaux gazeuses naturelles en lui associant des qualités gustatives et un savoir-consommer habituellement réservés au domaine du vin.
L'idée repose sur la création de cours d'eaunologie, dispensés par l'Atelier des Chefs.
Une démarche qui valorise l'image de la marque, en apportant une dimension de service, mais qui valorise surtout ses consommateurs en leur apportant un savoir-déguster qui favorise un rapport plus émotionnel à la marque. Bref, tout le contraire de Cristaline.
Il est certain que les enjeux de communication en terme d'image ne sont pas du tout les mêmes pour Cristaline et Badoit, mais la prise de parole revancharde de Cristaline, stigmatisante pour tous ceux qui boivent l'eau du robinet, incarne définitivement une vision publicitaire qui appartient au passé.
publié par LeXeul | 7:48 AM
5 commentaires:
Ah… Alex, d'accord et pas d'accord. Je voulais écrire un truc hier soir mais pas eu le temps. Je développe ce we ;-)
Il est certes de bon aloi de "bien consommer" de l'eau.
Robinet ou bouteille ? La question ne se pose qu'en termes de qualité de vie.
On conseille aux parents d'un nourrisson (et tu sais de quoi je parle) de ne pas lui donner à boire l'eau du robinet, au moins dans sa première année. Il y a sans doute des raisons que les médecins ou scientifiques pourraient expliquer.
Evidemment l'eau du robinet est moins chère qu'en bouteilles, mais pour combien de temps ?
On sait que le prix de l'eau en France a subi ce que d'aucuns appelleraient l'effet de Serr...age par les compagnies (Lyonnaise, Générale puis Vivendi, Veolia, etc...) qui se soucièrent bien plus de l'entretien de leurs actions en bourses que de leurs conduits...
La consommation de pesticides est donc à combiner avec l'empressement des compagnies d'eau à nous pomper le fric à la source !
La raréfaction de l'eau dans le monde avec ce qui en découle nous indique une certaine forme de civisme à suivre... Il est vraiment dommage que des marques s'approprient l'hygiène, le développement durable ou la santé (voir ton article sur le mac deg nippon)! Mais ce qui l'est encore plus, c'est leur mauvais goût.
Finalement, clairement concurrents, il était grand temps que les protagonistes du marché de l'eau, nous fassent croire en leur bonne volonté, en leur oecuménisme, etc... ce qui serait bien c'est une réduction réelle du prix de l'eau, en bouteille ou au robinet car je le dit l'eau du robinet devrait être gratuite !
J'étais à Samoens, l'année dernière en mars je crois, et sur les pistes certains s'autorisent la petite bouteille de 50cl de Cristaline à 2€50 (soitprès de 33 F le litre). Le serpent se mort la queue ! Tant que certains accepterons de payer le prix fort, les marques ou les grandes compagnies de service d'eau se frotteront les mains, et certaines agences de pub au mauvais gout douteux avec !
(A réécouter l'emission La bas si j'y suis / France Inter / Daniel Mermet / jeudi 26 octobre 2006 - La bataille de l'eau)
Du coup moi je ne bois plus que du jaja !
LA BABOLE (petite bonne femme illustrée de Haute Savoie) a réagi -à sa manière- à cette tempête dans un verre d'eau : http://lababole.arviblog.com/article-119310.html
Pas tout à fait d'accord sur la critique de la stratégie : l'eau du robinet, c'est effectivement le seul vrai concurrent de Cristaline et il est assez naturel que la marque s'y attaque. Maintenant il vaut mieux être sûr de son coup : frapper aussi fort peut être contre productif et le spin produit pourrait se transformer en un vaste hommage à l'eau du robinet à la française. Je regrette d'ailleurs que le bruit médiatique se limite aux journaux et n'ait pas encore franchi les barrières de la TV hertzienne : la qualité de l'eau du robinet est un vrai sujet magazine. D'accord en revanche sur la critique du troisième volet, consternant. A quand une contre campagne (du même niveau) sur le thème "Cristaline c'est dégueulasse, les poissons baisent dedans" ?
Marcel: l'eau est un bien précieux et en quantité limitée. Je ne vais pas rentrer dans le débat sur le prix "juste" de l'eau. Mais il me semble normal que l'accès à l'eau (y compris du robinet) ait un coût. Le soucis étant davantage que le juste prix est rarement celui proposé par les grandes entreprises du secteur (voir les fameuses provisions sur travaux qui ne sont jamais faits & les municipalités qui ont fait le choix d'une régie municipale pour gérer l'approvisionnement en eau à bien moindre coût...que les entreprises privées du secteur).
Thomas: je suis assez d'accord sur le fait que le principal concurrent de Cristaline est davantage l'eau du robinet que les grandes marques d'eau. Néanmoins, quand on sait qu'à St Nazaire, Cristaline s'approvisionne à la même source (Eleonore) que le réseau d'eau de la ville, pour ensuite la vendre en bouteilles, on ne peut qu'être sceptique, pour ne pas dire plus, face à cette campagne de dénigrement de l'eau du robinet.
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