Plaidoyer pour les sciences molles dans un monde dur
C’est un ouvrage sensible, à la plume littéraire et aux interrogations légitimes que j’ai eu le plaisir de lire la semaine passée.
Dans un univers – celui des études, où c’est plutôt le choc des certitudes et le poids des égos qui sont censés faire brevet de légitimité professionnelle, c’est rafraichissant.
Intitulé Bureau d’études (éd. Les Impressions Nouvelles), l’ouvrage nous entraîne dans les réflexions tantôt amusées tantôt profondes de Christian Gatard, cofondateur du cabinet d’études éponyme.
Entre des anecdotes parfois éclairantes, Gatard nous rappelle à sa formation de sociologue, affirmant à propos des groupes conso, que « la parole dite cache l’essentiel, le non-dit qui dit tout ». Un type de réunion qui nous renvoie à une certaine dictature de la transparence et de la croyance en notre importance personnelle : « il n’y a plus de secrets, il faut que les choses soient dites, et tout peut être dit. Nous entrons dans une ère de transparence ostentatoire. Chacun a besoin de dire, de raconter, de se faire le chroniqueur de soi-même. Il y a une impatience à se dire, une frénésie de dévoilement ». D’où l’importance de percer le dit pour appréhender toute la richesse et la signification du non-dit…
Le livre est aussi l’occasion de découvrir la Réactique transculturelle, pratique Tintinesque s’il en est, qui visait à plonger nos produits de grande consommation au cœur de la jungle du sud-est Asiatique, pour tenter de les voir se réincarner en figurines magiques entre les mains des tribus locales !
« Quand on éteint les lumières des sciences dures, on s’habitue au noir des sciences molles. Avec un peu d’expérience, l’œil se met à voir dans la nuit… ».
2 commentaires:
Très amusant la réactique transculturelle. en revanche, je suis très sceptique sur les affirmations mal digérées de la psychanalyse sur le non-dit qui dit tout... et son contraire.
Par association d'idée, cela me fait penser aux frères Karamazov de Dostoïevski (préfacé par Freud d'ailleurs) où l'avocat explique qu'on peut faire dire tout et son contraire à la psychologie. D'une certaine tendance des sociétés d'études;-)
C'est marrant, je poste un article aujourd'hui traitant d'un sujet similaire et je tombe pour la première fois sur votre blog en me baladant... Gatard ayant fait partie de ma formation, je me dis que ce n'est peut-être pas anodin.
Je reviens rapidement sur le non-dit dans les groupes. Effectivement, pour les pratiquer au quotidien, on se rend compte que si on prend pour « argent comptant » tout ce que disent les consommateurs, non seulement on se rend compte qu’en 3 heures ils ont tout dit et leur contraire, mais en plus il faut essayer d’expliquer au client que ce qu’il a entendu n’est pas à entendre… exercice bien délicat…
Au-delà d’une restitution basée sur une simple livraison de verbatim, la méthode d’animation elle-même doit pouvoir permettre, à l’analyse, de ne pas se contenter de ce qui a été dit mais surtout de voir le cheminement des discours. En ce sens, je rejoins un peu ce qui est appelé ici le « non-dit ». Ensuite, à l’analyse, des méthodes d’analyse de discours plus poussées peuvent justement permettre d’aller un peu plus loin que le « mensonge social »…
J’aime beaucoup votre blog. Et je vais aller jeter un œil sur le bouquin
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